Délivrance, la création, la découverte

20 décembre 2015 0 Par EDITEURS
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Introduction :

Le premier « hors-série » du Bavard a largement exposé les conditions de création 90 ans auparavant de la Gare et de la Cité de Délivrance en insistant sur la qualité du patrimoine et de ses équipements.

Il nous a semblé nécessaire de revenir sur le caractère inhabituel pour cette époque d’une arrivée massive de cheminots avec leurs familles compte tenu de l’effet surprise que pouvait inspirer ce premier contact avec un ensemble architectural et urbanistique tout neuf.

Le quartier que les cheminots découvraient créé à leur intention par la Compagnie de Chemins de Fer aussi agréable et soigné soit-il n’était pas exempt d’arrières pensées comme on le verra plus loin.

S’appuyant sur des archives, des témoignages et des photos, l’équipe du Bavard espère vous apporter au fil de trois numéros successifs un éclairage sur ce passé pas si vieux que cela et dont bien des aspects peuvent être reliés à l’actualité contemporaine.

L’emménagement :

Peut-on imaginer l’arrivée d’une famille dans les années 1920/25 prenant possession de son logement tout neuf, y installant son mobilier réduit souvent au strict minimum et découvrant un confort nouveau et d’heureuses surprises.

Le séjour d’abord, vaste pièce à vivre et bien éclairé où trône une grande cuisinière dotée d’un grand four, de double feux, l’ensemble orné de carreaux céramique et cerné d’une barre chromée de sécurité faisant en outre office de sèche-linge.

1922 à 2015, le marbre n’a pas changé

Le salon qui juxtapose le séjour est équipé d’un parquet de chêne et d’une cheminée d’angle dont le manteau est recouvert d’un surprenant dessus de marbre ; un feu continu de style Godin recouvert lui aussi d’une céramique colorée d’un plus bel effet qu’on appellera « la prussienne »*ajoute sa note de confort.

A l’étage, deux ou trois grandes chambres présentent les mêmes caractéristiques que le salon et s’il n’y a ni cave en raison d’une nappe phréatique trop haute et ni grenier, un vaste cellier jouxte le porche qui abrite également les WC.

Ces conditions de logement vont-elles se payer ? Les loyers varieront selon le montant de l’indemnité de résidence et le nombre de pièces de 32 Frs à 90 Frs par mois auxquels s’ajoutent deux forfaits annuels, l’un pour l’eau et l’électricité, l’autre pour le jardin oscillant entre 24 à 72 Frs.

*L’origine de ce nom n’a pu être déterminée

La vie quotidienne :

Pour atteindre la gare toute proche le trajet se fait en 5 à 10 minutes à pied ou en vélo ce qui est un avantage quand on commence à 6h, 14h ou 22h selon que l’on est du matin, de journée ou de nuit.

Les salaires restent toutefois faibles et si le jardin est si bien cultivé c’est pour son apport de denrées qui limite les achats faits auprès de l’Economat. Cette institution du Chemin de Fer à vocation commerciale joue un rôle social important d’autant que les « ardoises » sont fréquentes même s’il faut les effacer lorsque la « quinzaine » est remise au cheminot dans son enveloppe (le compte chèque n’existe pas encore).

Heureusement, la protection sanitaire et sociale est importante car l’accent est mis dès l’installation des familles sur la santé et l’éducation générale et sportive.

La « maison du Docteur » qui deviendra le Dispensaire jouera un rôle déterminant dans la surveillance des nourrissons et jeunes enfants. Contrôles réguliers par pesées, distribution de biberons et visites médicales tenteront de faire baisser la mortalité infantile atteignant des taux qui paraissent ahurissants aujourd’hui.

Des conférences sur l’hygiène sont organisées en nombre car l’objectif de la Compagnie est d’atteindre 3 à 4 % de décès d’enfants avant un an alors que cette mortalité varie de 8 à11% sur le territoire. Pour mémoire, ce taux aujourd’hui est d’environ 0,32% soit 35 fois moins !

Cette surveillance s’accompagne de contrôles ; on compte toutes les activités dénombrables telles que les douches prises dans le bâtiment « bain douches » rue Jules Goury (détruit par une bombe en 1940), le lait distribué, les vaccins, visites de nourrissons, soins à domicile et on établit des statistiques pour permettre des comparaisons avec les autres cités de la Région Nord.

Selon Raoul Dautry « pas d’alcoolisme, des fenêtres ouvertes, du jardinage, de l’exercice physique, une alimentation raisonnée pour une santé parfaite » ! Pour atteindre ces buts, la Cité de Délivrance recevra des équipements qualifiés d’exceptionnels par la presse de l’époque.

Piscine, stade multisports, salle de gymnastique, courts de tennis seront mis à disposition gratuitement pour les enfants tandis que des salles de classe ouvertes à Pasteur puis à Curie seront accompagnés par une jolie bibliothèque qui, curieusement ouverte seulement à ses débuts le dimanche matin à la salle Beaulieu demandera une participation financière de 8 Frs par an.

Dans son prochain numéro, le Bavard reviendra sur l’évolution de ce quartier dans la traversée des heures sombres de la guerre.

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