Une histoire de jardinier
1 janvier 1995Pour Pierre, comme pour tous les jardiniers, en cette période hivernale c’est le « calme plat » Le terrain est prêt, retourné depuis l’automne, les graines sont commandées, mais le soleil encore en vacances sous les tropiques, et les pluies froides de janvier, maintiennent le travailleur de la terre en hibernation prolongée.
Entre Pierre et le jardinage, c’est une longue histoire. Elle commence en 1940. La guerre envahit notre pays, les temps sont durs, la pénurie règne, surtout dans les milieux modestes, et quand on est I ‘aîné de 6 enfants, même à 12 ans, il faut participer à l’approvisionnement de la famille. C’est ainsi qu’il se retrouve, la bêche à la main, avec son père, en train de défricher un pré, mis à disposition par sa commune d’origine, dans I’ Avesnois. II se souvient de quelques épisodes marquants de sa vie de jardinier débutant
- les épluchures de pommes de terre en guise de plants quand ceux-ci faisaient défaut.
- la chasse ou plutôt: la cueillette des doryphores qui pullulaient dans les plates-bandes.
« A I ’époque » dit-il en plaisantant, « on jardinait biologique » ». Durant toute cette période de restriction, le jardin permettra des fins de mois moins difficiles. C’était le temps du jardinage par obligation, par nécessite économique qu’ont connu beaucoup de Français.
Par la suite, il entre à la S.N.C.F et arrive dans notre commune où il continue avec passion la pratique de son activité. Il y a quelques années à la suite de la disparition des zones de jardinage dans la gare de la Délivrance, il se retrouve sans terrain.
Ne pouvant imaginer un seul instant poursuivie une retraite active sans « son jardin », il fait, avec obstination et fermeté, le siège des autorités de la S.N.C.F et obtient de celles-ci qu’elles transforment en jardins familiaux, un terrain vague qui devenait peu une décharge sauvage et dégradait ainsi l’environnement du quartier. A nouveau « comme en 40 » avec l’aide des copains, il fallut défricher.
Aujourd’hui Pierre pourrait faire comme beaucoup et se tourner vers des loisirs plus paisibles tels que la pêche, la pétanque ou la télé, mais il n’est pas du genre « chaise longue, télévision » Lors de ses adieux aux chemins de fer, il préfère un vélo au traditionnel fauteuil offert à l’époque comme cadeau de départ en retraite, vélo avec lequel il entretient sa forme sur les routes de la région.
Quand les beaux jours reviendront, il passera de nouveau une partie de la journée dans son « domaine » qu’il agrémente de nombreuses fleurs.
Pourquoi fait-il encore cela ? « J’ai attrapé le virus » dit-il, « c’est un passe-temps agréable qui m’entretient physiquement et qui, grâce à la qualité, à la fraicheur des légumes produits, préserve ma sante »
Avec l’âge et l’expérience, Pierre est devenu philosophe ; Optimiste, il a souvent à sa disposition un dicton, un proverbe de circonstance. Sa devise « croire à ce qu’on fait »
Si vous voulez un conseil, n’hésitez pas, allez faire un tour du côté de la place Demory. Du bouturage des chrysanthèmes à la conservation des légumes en silo, il saura répondre à vos questions.
C.V (janvier 1995)