Les ateliers, matériel et traction de Délivrance

25 mars 1997 0 Par EDITEURS
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Le passé est toujours présent dans la mémoire, celle-ci est profonde quand on veut en sonder les abysses pour revivre une époque.

Dans les années 1945 à 1965, les ateliers de réparation de toutes les locomotives 141 R exportées des Etats-Unis (dans le cadre du plan Marshall étaient uniques dans la région Nord

La première 141 R fut baptisée aux Etats-Unis sous le nom de « locomotive Libération » Ces machines à vapeur arrivèrent des Etats-Unis transportées par des navires spécialement aménagés : le Texas et le Lake- hurst. 36 traversées furent nécessaires pour transporter 1340 machines sur ces bâtiments de 9000 tonnes, d’une puissance de 8800 chevaux filant à 15 nœuds. A chaque voyage, 38 locomotives et autant de tenders étaient transportés. C’est en 1944 que le Gouvernement avait commandé 700 de ces machines. Le complément fut livré en 1945, venant des Etats-Unis et du Canada.

La première locomotive 141 R arriva le 17 novembre a Marseille au bassin du Président Wilson, où Monsieur Goursat notre directeur général prit livraison de cette belle machine.

Deux cylindres à simple expansion avec une surchauffe, pouvant remorquer des trains express de 700 tonnes et des trains de marchandises de 1500 tonnes. Le poids total de la locomotive à vide était de 103 tonnes, et en état de marche était de 113 tonnes. Le tender à deux bogies avait une capacité de 30 mètres cube d’eau et de 11 tonnes de charbon.

L’atelier de Délivrance effectuait les levages spécialises des 141R (démontages et remontages complets). La révision complète dans le délai très court d’une semaine s’effectuait selon la méthode de l’ingénieur Poissoniers qui utilisait un outillage très sophistiqué qui ne servait qu’a ce type de machine. Cet outillage de précision était enfermé dans des armoires vitrées. La présence de cet atelier de réparations à Délivrance justifiait les effectifs très importants (1018 agents en 1945). Hélas, des nouvelles méthodes de réparations des 141 R obligèrent à ramener ces effectifs à 705 agents en 1948 puis à 599 en 1958 puis 202 en 1961.

Dans ce complexe existaient de nombreux et divers métiers

Le B.O.T (bureau, organisateur, travail) était Ie cerveau administratif d’où les directives partaient sous forme de bons de commande pour l’exécution du travail, par les tourneurs, les menuisiers, les électriciens.

Le local frein, local équipé de manomètres pour le frein Westinghouse (nom de l’inventeur), qui comprenait tout un appareillage muni d’un robinet à 3 positions dit frein direct sur la machine. Un autre robinet type H7 à 6 positions freinait à la fois la ma- chine et le train.

Le local régul ou un métal antifriction coulé sur des coussinets de bronze était tourné puis ajusté sur le système des bielles.

La ferblanterie pour la réparation des lampes de bord.

Le poste à bouteilles pour stocker l’oxygène et l’acétylène nécessaires aux soudeurs.

Le local pour l’appareil Flament (régulateur de marche). Sur une bande de papier étaient répertoriés d’une part les signaux à pointer et leurs caractéristiques sonores, d’autre part la vitesse à suivre pendant le trajet.

La fosse aux roues, ou les essieux de machines étaient descendus.

Le local des chaudronniers, réservé au coulage des voutes en béton réfractaire. Un système de plomb fusible et hélas une grande quantité d’amiante protégeaient la chaudière.

Les tubistes s’occupaient du nettoyage de la boite à fumée et du débouchage des tubes à fumée. Ce travail se faisait machine allumée et en pression. Ces agents portaient obligatoirement des masques équipés de filtres à air pour se protéger des émanations de gaz carbonique.

Le gardiennage et allumage des foyers des machines, pour les amener à la pression nécessaire pour les déplacer.

Les ateliers réparaient aussi les machines 040D locomotives allemandes récupérées au titre des dommages de guerre. Ces engins très souples, servaient pour les manouvres de gare, mais aussi, aux dessertes extérieures dans un rayon de 20 km autour du dépôt. Elles furent aussi employées au transport banlieue des voyageurs.

Chaque année à la St Eloi, c’était sacré, tous les agents des ateliers de réparation des machines, faisaient la fête dans l’atelier principal. Au cours du banquet souvent un accordéon agrémentait ces agapes pendant que chacun racontait son anecdote.

C’était le bon temps. Les retraités qui ont connus cette époque sauront de quoi je veux parler en lisant ces quelques lignes du Bavard. Bien des souvenirs remonteront à leur mémoire.

A. Jacquart

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