LE FOND DE LA MARMITE
12 mars 1999Le couvert était luisant, la table dressée avec goût, le décor un rien baroque abritait un personnel guindé et cérémonieux. Les plats passaient et trépassaient, exécutés par une brigade laborieuse et une clientèle au sourire entendu et un rien satisfaite.
Toute cette agitation de vaudeville ne faisait qu’accentuer ma nostalgie et me plongeait dans un souvenir gourmand, simple et merveilleux tant il est vrai que manger, c’est voyager un peu. Se rappeler un instant où tout simplement l’imaginer du bout de la fourchette.
Derrière ses experts, ses détracteurs derrière sa façade gourmande, la cuisine exprime le terroir, ses odeurs, ses saisons sa raison. Elle est la communion parfaite de l’homme et de la nature, une domestication de saveurs faite avec talent par des générations de ménagères souvent traitées de peu de gratitude.
Ces femmes qui ont hanté nos souvenirs du « bon vieux temps » du coin de leur marmite et qui nous ont appris les joies conviviales d’un bon repas chaleureux.
A une époque où l’exotisme se faisait rare, ces mères Denis de la cuisine ont provoqué les arômes, fait transpirer les gigots, se dresser les soufflés et distinguer les gouts justes.
Quand la bise soufflait, elles remuaient le chaudron. A la chaleur du soleil, elles faisaient danser les radis. Elles sont de toutes les régions, de toutes les familles. Elles ne contredisent pas les saisons, elles s’y adaptent, s’y soumettent.
Leurs propos sont parfois simples, souvent justes et plein de bon sens mais leur cuisine reste celle de nos campagnes et celle de notre enfance. Dans l’inconscient de mes souvenirs, un maitre d’hôtel prétentieux me tend l’addition.
Alors d’un regard complice du fond de mes pensées, je lui dédie.
merci grand-mere !