L’histoire légendaire d’Anne Delavaux
12 janvier 2010En ce siècle de fer – le dix-septième – les rois de France et d’Espagne s’affrontaient pour le contrôle de ce qu’on nommait alors les Pays-Bas français (Nord et Pas-de-Calais). Après 1640, les troupes françaises ravagèrent régulièrement la région de Lille. La légende raconte qu’une jeune femme de 19 ans, refusant de subir les viols, les pillages et les massacres, se déguisa en homme et s’enrôla dans les armées du roi d’Espagne. C’était en l’an 1644. Cette héroïne – notre Anne Delavaux – que ses compagnons d’armes connurent sous le nom d’Antoine Dathis, mena au service de son roi et de son pays une guerre qui restera gravée dans les mémoires. En effet, déployant selon certains l’incroyable courage des Amazones, comparée par beaucoup de ses contemporains à Jeanne d’Arc, elle galvanisa l’ardeur des soldats qui combattaient à ses côtés. Elle les conduisit, à partir de Lille, dans des sorties hardies, jusqu’aux portes de La Bassée, ravissant à ses ennemis bétail, chevaux et fourrage, se faisant craindre et respecter d’eux. Son intrépidité lui valut de devenir sergent, puis – insigne honneur – porte-drapeau de son unité. Transférée de l’infanterie à la cavalerie, elle fut enfin nommée lieutenant. Elle vécut cette existence jusqu’en 1648, année où les troupes espagnoles, dont elle faisait partie, furent défaites par les Français à la bataille de Lens.
Les opérations militaires cessèrent alors sur la frontière du Nord, mais Anne n’en resta pas inactive pour autant. En France, cette guerre qui coûtait si cher avait provoqué la colère et la révolte d’une partie de la noblesse et de la population contre le Premier ministre de l’époque, le cardinal Mazarin. Le roi d’Espagne envoya des troupes, dont celle d’Anne Delavaux, soutenir ceux que l’on avait baptisés les « frondeurs ». La guerre de coups de main et de mouvement à laquelle elle excellait reprit donc. Au début de 1652, elle fut même près de capturer Mazarin, dans un raid qu’elle mena sur un château près de Montargis. Elle put néanmoins s’emparer d’un somptueux butin.
Cette chance insolente ne pouvait malheureusement durer. Lors d’un combat aux portes de Paris, en juillet de la même année, qui vit la ruine de son parti, elle reçut plusieurs blessures et fut capturée. Commença alors pour elle une série noire où elle fut prise et échangée à plusieurs reprises contre des prisonniers français de valeur. Lors d’une ultime embuscade, dans la région de Nancy, elle fut forcée de se déshabiller et c’est ce qui révéla son stratagème. Elle fit alors l’admiration de tous. Les chefs français lui proposèrent même de l’enrôler. Mais elle refusa. Rien ne viendra ternir sa fidélité initiale. Rapatriée dans le Nord, elle fut reçue par l’archiduc Léopold-Guillaume à Bruxelles, gouverneur de la région, qui, cédant à son désir de ne plus faire la guerre, l’envoya à l’abbaye de Marquette. Elle passa préalablement à la chapelle du Grand-But à Lomme pour y déposer ses armes au pied de la statue de la Vierge Marie. Son séjour à l’abbaye de Marquette ne fut pas heureux. Cette femme qui n’avait connu que les champs de bataille n’avait décidément pas les manières doucereuses des jeunes filles de bonne famille, nobles pour la plupart, qui y vivaient. On l’adressa donc à l’abbaye de la Byloke à Gand, en fait hôpital pour soldats convalescents, où elle put donner toute la mesure de son dévouement à ceux qui avaient connu la même existence qu’elle. C’est là qu’elle décéda en 1671.
La ville de Lomme décida de commémorer sa mémoire. Elle donna son nom à une rue en 1873 et fit construire après la Deuxième Guerre Mondiale une géante à son effigie, afin que le monde n’oublie jamais son nom et se souvienne de ses exploits pour les milliers d’années à venir.