Roger Salengro l’ami des lommois (suite)

20 février 2017 0 Par EDITEURS
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En effet, M. Salengro en voulant récupérer les papiers d’un ami tombé sous les balles dans le no man’s land a été fait prisonnier mais son passé de militant socialiste pacifiste le désignera bientôt comme possible déserteur.

Un conseil de guerre le lavera de ces soupçons infâmes mais cet épisode sera repris 15 années plus tard quand son action politique de gauche gênera les possédants et leurs représentants au parlement.

C’est une époque pleine d’effervescence en raison des crises économiques après la grande dépression de 1929, des scandales financiers et de la corruption dénoncée partout mettant en cause des politiques.

Certains journaux attisent les passions en citant les actions du fascisme et du nazisme en pleine progression en Italie et en Allemagne et dans la rue les affrontements sanglants se multiplient à l’appel des organisations comme « les camelots du roi » ou « l’action française » qui se déchaineront après la victoire de la gauche réunie dans le « front populaire ».

C’est l’heure des réformes qui déplairont tant à la classe possédante comme le montrent certains commentaires entendus au Touquet, plage gardée de la « Gentry » face aux congés payés qui livrent ces lieux privilégiés aux hordes populaires.  « Dès 1910, les «allongés» (malades de la tuberculose osseuse) de Berck avaient été interdits de séjour par arrêté municipal ».

L’entre-deux-guerres incarne la période faste du Touquet, le prince de Galles, le sultan du Maroc et une brassée de maharadjahs s’y retrouvent. «Il y a des bulles de champagne dans l’air», s’extasie-t-on entre golf, et polo.

A Paris les évènements se radicalisent par une campagne d’insultes et de rumeurs de plus en plus nauséabondes. Léon Blum sera qualifié par Maurras* de « détritus humain » ou de « juif métèque » tandis que Roger Salengro subit les assauts multiples d’une presse de droite l’accusant à tort de désertion en 1915 en détournant les conclusions d’un conseil de guerre.

Ces attaques vont devenir quotidiennes et plus violentes au fur et à mesure que R. Salengro devient le membre le plus important au sein du gouvernement pour faire face aux occupations d’usine et aux revendications des salariés qui ne font pas confiance aux patrons malgré les accords signés de Matignon en juin 1936.

Pendant cette période, malgré la perte récente de son épouse, il se battra fougueusement et se rendra dans les usines pour convaincre les organisations syndicales de reprendre le travail et de coopérer afin de retrouver une paix sociale qui ouvrira de nouveaux droits aux ouvriers.

Pendant 3 mois, Roger Salengro subira sarcasmes, outrages et calomnies de la part d’une presse aux ordres d’hommes qui seront plus tard les alliés inconditionnels du régime de Vichy mais continuera sa mission au sein du gouvernement pour que les accords signés soient respectés par tous.

Les accusateurs se faisant de plus en plus pressants et odieux, le gouvernement de Blum prend l’initiative de demander au Parlement de confirmer l’innocence de Roger Salengro et de mettre fin par la loi à toutes ces calomnies provenant de journaux qualifiés de « feuilles infâmes » qui seront désormais poursuivis et condamnés.

Ce vote acquis à une très large majorité englobant même des députés de droite devrait soulager R. Salengro qui pourtant quittera rapidement l’Assemblée et rentrera rapidement à Lille, épuisé par ces débats houleux.

Rongé par la calomnie, brisé par cette longue lutte, éprouvé par son récent veuvage il se donnera la mort dans la solitude de son appartement en ne laissant que quelques mots à Léon Blum et à un ami proche.

C’est un coup de tonnerre en France et surtout à Lille où le peuple par centaines de milliers suivra le cortège funèbre tandis que la presse auparavant si virulente se tait ou parfois fait amende honorable sauf les plus acharnées comme « L’Action Française» ou « Gringoire »

Il faudra attendre la libération des années 44/45 pour enfin faire disparaître la plupart de ces « feuilles infâmes » qui ont répandu la haine, les soupçons et les injures dans la vie quotidienne des français.

Sources : « L’affaire Salengro » Daniel Bermont. La Gazette « Plein Nord » n° 70. Mémoires de J. Brenne,

*Mme Jacquart ; Libération Eté 36, Jean Luc Allouche ; Photo confiée par Mme Duriez.

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