Parcours d’un aspirant cheminot
28 novembre 2024Au début du 20ème siècle dans les années 1900 la population est essentiellement rurale à faibles revenus et connaît d’importants problèmes pour se nourrir, se loger, se soigner et éventuellement s’instruire pour évoluer positivement.
Cette époque se caractérise par une mortalité infantile très élevée due à la faiblesse de la vaccination face aux épidémies de variole, diphtérie ou tétanos ainsi qu’à l’hygiène très sommaire dans des logements dépourvus d’eau courante, d’électricité et d’égouts.
Les familles nombreuses étaient pourtant très présentes et l’une d’entre elles qui comptait 15 enfants dans une petite masure près de la forêt de Desvres va nous interpeller à travers le parcours d’un de ses enfants devenu cheminot en franchissant divers obstacles qu’il semble intéressant de rappeler.
Né en 1902 cet enfant, le 11ème de cette grande famille grandira dans ce petit village dominé par un château-ferme manoir où il servira plusieurs années en tant que valet, cocher et garçon d’écurie. Son père, bucheron exerçant dans la forêt de Desvres, ne pouvait lui garantir aucun avenir ce qui le motiva pour une scolarité basique avant de suivre les conseils de son oncle, cheminot à Boulogne, l’encourageant à répondre à une proposition de la Compagnie des Chemins de fer du Nord dont le développement des années 1920 l’amenait à un recrutement massif.
De Desvres au Portel puis à Boulogne et enfin à Paris ce jeune homme prenant une pause pour se marier se retrouva dans un grand ensemble d’urbanisme novateur bientôt appelé cité jardin bâti à proximité de l’imposante gare de triage de LILLE DELIVRANCE dont la construction venait de s’achever !
Enfin bien logé cet homme s’inscrivit dans les cours professionnels organisés par les responsables du site ce qui favorisa rapidement son évolution dans une carrière de contrôle du matériel roulant et un avancement régulier dans la hiérarchie.
Le travail posté et les horaires décalés ne l’empêchèrent pas de s’occuper avec son épouse de sa famille de trois garçons et, sur ses heures disponibles, de gérer l’équipe de foot juniors pendant plus de 15 ans et de planter et recueillir les produits du jardin entretenu avec grand soin.
Son ancrage d’enfant en milieu agricole et forestier le servit lorsqu’en période de guerre il retournait dans ses terres pour ramener, en évitant les contrôles des gendarmes français, des produits de ferme améliorant nettement les repas indigents que permettaient les seuls tickets de rationnement.
Cette atmosphère de travail, de respect du repos hebdomadaire, du contrôle des études des enfants, de la joie des réussites sont gravés dans la tête des enfants, valeurs qu’ils transmettent à leur tour et l’évoquent quand une visite du quartier les ramène l’espace de quelques instants dans la région.
Il s’appelait Elie, cet homme était mon père.
P. H.