Quel avenir pour Délivrance ?

6 décembre 2020 0 Par EDITEURS
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Quel avenir pour Délivrance ?

La période que nous traversons nous renvoie des modes de fonctionnement et des systèmes économiques qui nous semblent à bout de souffle… Des choix et des orientations qui nous conduisent, aujourd’hui, dans une impasse. Cette réflexion est induite par un sujet qui nous tient à cœur ; « mais quel est l’avenir de la gare de Lille Délivrance » ?

Gare de triage de Lille Délivrance

Bon nombre d’anciens ont connu cette gare en pleine effervescence. Une activité incessante vingt-quatre heures sur vingt-quatre… Trois-cent soixante-cinq jours par an, rythmée par l’entrechoquement des wagons, les échappements d’air des freins de voie, les haut-parleurs du triage qui hurlaient la composition des trains à débrancher, le sifflet des locomotives. Sans oublier le passage incessant des cheminots qui prenaient et quittaient le service… Et parfois, véritable fléau pour les automobilistes bloqués aux barrières, et pour la joie des enfants qui passaient rue Albert Thomas ; le passage d’un train sur la voie de la « Raquette », qui rentrait au faisceau de réception…

Un microcosme pensé par les ingénieurs de la Compagnie des chemins de fer du Nord, au début du XXème siècle, qui n’est plus ! Était-ce prévisible ?

Un de ces ingénieurs n’est autre que Monsieur Raoul Dautry. Polytechnicien, homme brillant et meneur d’hommes, il entre à la Compagnie du Nord en 1902. Il sera l’initiateur de la construction des cités cheminotes et notamment de notre cité de « Délivrance ». Il évolue rapidement, en 1928 il est nommé Directeur Général du Réseau de l’Ouest-Etat. Soucieux de développer ce réseau, il alerte rapidement sur l’évolution des modes de transport (1) : « … Il y a donc bien, d’année en année, une augmentation des introductions par route aux dépens de la voie ferrée, … ».

Nous sommes au début des années 1930… Sa conclusion est sans appel : « En définitive, si la crise économique mondiale actuelle est bien un élément de la crise des transports, … l’élément premier, résultant, lui, de l’excès de capacité des moyens de transport actuels, du vieillissement du chemin de fer, du désordre dans lequel se fait l’investissement de capitaux publics et privés pour la création et l’emploi des moyens de transport. ». Il n’hésite pas à nous livrer sa vision du transport ferroviaire pour les marchandises (2) : « jamais pour les petites distances, quelquefois pour les moyennes distances après études, toujours pour les grandes et très grandes distances. ».

Lille Délivrance Poste 1

Force est de constater qu’après plus de 80 années, ces réflexions ne sont toujours pas intégrées !

Revenons en 2020 et aux annonces faites par le gouvernement de travailler à nouveau avec le chemin de fer, complètement délaissé pour le transport de marchandises jusqu’à présent…

On peut raisonnablement penser à une répartition des modes de transport, comme l’indique M. Dautry, avec partage entre le fer, la route et le fluvial. Ensuite, construire des plateformes d’échanges qui vont induire des mouvements routiers pour les dessertes terminales. Ces réflexions doivent intégrer nos évolutions de consommations. Mais aussi avoir un arbitrage économique pour gérer ces investissements lourds, mais aussi et surtout une volonté politique à long terme qui ne doit pas se limiter à un effet d’annonce.

Vous allez me dire que je ne réponds pas à la question sur l’avenir de « Délivrance » ! Vous comprendrez que j’en suis incapable… Je vous laisse l’imaginer ? Faut-il faire abstraction du passé ? Et surtout ne pas réinventer ce que nous possédons déjà. Par analogie au développement du moteur électrique pour nos voitures : une locomotive qui tracte un train peut être considérée comme un camion « électrique » … ?

  1. « Métier d’homme » Raoul Dautry 1937 éditions Plon, étude des transports de 1929 à 1931, pages 118 à 121.
  2. Même ouvrage que (1), page 128.
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