Le bombardement de Pâques 1944

8 décembre 1995 0 Par EDITEURS
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Sept mois se passent. Voici Pâques 1944 Pâques, la grande fête chrétienne de la résurrection, dont le pouvoir de rajeunissement demeure incomparable.

C’est, pour nos vieilles vies fatiguées, stériles, usées l’eau de jouvence qui renferme la grâce de renaître et de ressusciter. C’est la naissance à la première caresse du printemps. Les lourdes nuées se sont enfin dissipées qui couraient sous le vent de mars et crevaient en froides giboulées, le soleil a éclaté dans l’azur frais. Des jardins, dont les arbres se voilaient d’un lacis de jeune verdure, est montée une odeur de jacinthe et de violette. Sur les villes et les villages, les cloches rentrées de Rome à cire d’aile ont jeté, le samedi saint, leur_fracas sonore ; leur vibration est passée dans l’air comme une rafale de joie et d’espérance. Elles ont annoncé la fête du lendemain, et la nuit est venue.

Elle a été choisie par l’aviation anglo-américaine pour faire un nouveau raid contre Lille et ce seront les terrifiantes Pâques rouges que l’on n’oubliera jamais.

IL est minuit quarante. Vers l’ouest de Lille halètent dans le ciel des vagues successives de bombardiers. Les sirènes lancent dans toutes les directions leur sinistre hurlement ; des milliers d’explosion s’ébranlent la nuit, font gémir le sol.

Le bombardement anglo-américain dure 35 minutes. Les rapports de police signalent que plus de 2200 bombes ont été lancées. Il y a 500 morts, hommes femmes, vieillards, enfants. Les corps de certains, complètement déchiquetés. n’ont pu être identifiés. D’autres resteront longtemps enfouis dans les décombres. On relève 450 blessés dont 300 ont pu être transportés immédiatement à l’hôpital de la charité, à l’hôpital saint Sauveur de Lille et à l’hôpital de la fraternité de Roubaix.

Les autres sont répartis dans différentes cliniques, ambulances et postes de secours.

1000 maisons ont été complètement anéanties et 2660 plus ou moins détruites.

En gare de Lille-Délivrance, un train de munitions fait explosion en un immense feu d’artifice qui détruit un grand nombre de wagons qui se trouvaient à proximité. La gare et ses bâtiments annexes sont incendiés complètement. La cite des cheminots s’est écroulée comme un château de cartes ; au milieu des cendres fumantes et des ferrailles tordues, se dégage une fumée acre et piquante qui vous prend à la gorge.

C’est une indescriptible vision d’Apocalypse. Une quinzaine d’usines sont plus ou moins atteintes – les filatures ou tissages : Laurent, Delsalle-Desmet, Nicolle Frémeau, Mourmant, les établissements Dion, Vandeuvre. Saurer, Nory, Delannoy. Les grandes coopératives de Flandres et d’Artois ont des millions de dégâts.

La tornade a ravagé non seulement Lille, mais aussi : Wambrechies, Wattignies, Marquette, Lambersart, Sequedin, Loos, Haubourdin et surtout Lomme.

André Jacquart


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