Les Tours Florentines (ou Mirador)

14 mars 2008 0 Par EDITEURS
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Typiques du réseau du Nord, ces édifices, construits dans les années 20 et reconnaissables à leur silhouette proche des beffrois locaux, veillaient sur quelques dépôts et triages. Il n’en subsiste que deux : à Buire (Hirson) et Aulnoye.

Placé en première ligne, le réseau Nord sort profondément meurtri des quatre années de guerre qui ont endeuillé le début du XXe siècle.

De nombreux dépôts sont complètement détruits ou gravement endommagés. Reconstruire devient la priorité. C’est dans ce contexte, qu’au début des années 20, surgissent au cœur de quelques dépôts et triages de mystérieuses tours dont la silhouette s’apparente à celle des beffrois locaux. Ces tours apparaissent bientôt comme étant autant de cabines d’aiguillage, et parmi les plus modernes du moment. Des postes d’aiguillages perchés à une cinquantaine de mètres de hauteur, voilà qui est original. D’autant que le Nord se dote de postes aux installations tout aussi sophistiquées, mais bien plus proches du plancher des vaches.

Curieusement, aussi inhabituelles soient-elles, ces tours retiennent peu l’attention des contemporains. Quasi inexistants, en effet, sont les documents susceptibles de répondre à nos interrogations : qui, comment, où et combien ?

Qui ? Deux noms reviennent sans cesse : Raoul Dautry et Gustave Umbdenstock. Au service de la Compagnie du Nord depuis 1903, le premier vient d’être nommé ingénieur en chef adjoint de l’Entretien. Il a pour mission de reconstruire le réseau et de résoudre le problème du logement des agents. Il répond à cette dernière priorité en étant l’initiateur des fameuses cités-jardins.

Quant à Gustave Umbdenstock (1866-1940), Alsacien de souche, architecte diplômé d’état, il a été le professeur de Raoul Dautry à l’Ecole Polytechnique. Quand Raoul Dautry fait appel à son maître pour entreprendre la reconstruction du réseau, personne ne sera surpris d’apprendre que l’architecte des fameuses tours qui commencent à s’élever ici et là tels des champignons n’est autre que ce même Gustave Umbdenstock. Mais savoir comment notre homme a réussi à convaincre Dautry et, plus encore, les administrateurs de la Compagnie du Nord reste une énigme à ce jour.

Ces tours sont communément évoquées aujourd’hui sous le vocable de « tours florentines ». L’origine de cette appellation est une autre interrogation. Certains y voient une allusion aux constructions similaires élevées à Florence.

Pour d’autres, l’appellation se doit d’être associée au nom de l’entrepreneur délégué à la construction de la tour de Lens, un certain Florentin. La dernière hypothèse avancée évoque un autre monsieur Florentin, responsable de la formation des agents affectés à ces nouveaux postes d’aiguillage. Plus prosaïquement, les anciens cheminots les désignaient sous le nom de « miradors », comme c’était le cas à Lille-Délivrance ou à Aulnoye.

Combien le réseau Nord a-t-il compté de tours florentines ? Difficile de répondre, toutes à l’exception de deux ayant été démolies après-guerre. Aucun document historique officiel ne relate le nombre de tours élevées sur le réseau. Les anciens chauffeurs et mécaniciens, qui ont souvent côtoyé ces édifices, s’accordent pour en dénombrer six : Aulnoye, Buire (dépôt d’Hirson), Laon, La Plaine-Saint-Denis, Lens et Lille-Délivrance. Les deux tours florentines toujours debout sont celles d’Aulnoye et de Buire (Aisne). Elles sont toutes deux protégées au titre des Monuments Historiques.

La tour en quelques chiffres : 40 m de haut ; 600 tonnes de béton, briques et céramiques ; 114 marches pour accéder à la cabine d’aiguillage ; une horloge à quatre faces d’un diamètre de 3,20 m.

Le mirador de Lille-Délivrance a été détruit le samedi 7 décembre 1985.

Pourquoi ? La raison officielle est qu’il menaçait de tomber et était donc devenu dangereux. On peut sérieusement douter de cette affirmation quand l’on sait que cet édifice a résisté au bombardement de Pâques 1944.

La raison la plus plausible est que la SNCF ne voulait pas voir un bâtiment situé à l’intérieur de ses installations être protégé au titre des Monuments Historiques. Elle s’est donc empressée de le détruire avant qu’une quelconque démarche ne puisse être entreprise. On reconnaît bien la façon de faire de la SNCF qui a toujours « bradé » le patrimoine unique qu’elle possédait.

Intérieur de la cabine d’aiguillage avec son piano (à droite) qui permettait à un seul homme de commander l’ensemble des mouvements
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