C’était hier, recueil d’un vécu
2 juin 2012Quand les potagers ne délivraient plus que les derniers légumes enfouis dans le silo du jardin et qu’il fallait attendre le passage mensuel du wagon de l’économat pour améliorer le menu ordinaire.
Lorsque le salaire amputé des achats effectués à l’économat bouclait avec peine les autres dépenses réalisées sur le marché de la place de la Victoire (Dompsin aujourd’hui), ou auprès des commerces de l’avenue Roger Salengro, pour les denrées et vêtements de première nécessité.
Lorsque la promotion du mari, cheminot, accédant au grade de mécanicien permettait de se déplacer en wagon de deuxième classe !
Au fil des minutes, Madame Havet, intégrée dans la cité en 1934 et fêtant ses cent ans en juillet, égrène sa vie familiale rythmée par les services décalés, les nuits de travail, les longs déplacements et les absences fréquentes.
La guerre, rappelle-t-elle, fut un traumatisme vécu lors de l’exode et avec des périodes sombres lorsque qu’on lui imposa d’héberger des militaires allemands dans un logement déjà petit pour sa famille de 4 personnes ou lors du drame du bombardement de Pâques 1944.
Les privations, les tickets de rationnement, les vitamines distribuées aux enfants, le charbon qu’il fallait aller chercher à la gare avec une brouette, toute la mémoire de l’aïeule défile avec sérénité et sans ressentiment décrivant une vie où les valeurs traditionnelles maintenaient une ossature morale et le souci de la dignité.
Cette parenthèse meurtrière une fois terminée, Madame Havet retrouvait le ballet traditionnel d’avant-guerre de marchands ambulants ayant troqué la carriole ou le vélo pour des camionnettes apportant, qui le lait, qui la bière Fréteur ou Excelsior, qui le pain ou la viande.
Bien qu’habitant près de son ancien quartier, ses petits pas ne la conduisent plus dans la cité où de profonds changements et quelques maisons sinistrées jetteraient une ombre sur son optimisme sans faille.
Exceptionnellement et à l’occasion du concert du « Paris Jazz Big Band »Mme Havet découvrait avec grand plaisir la salle Beaulieu dans ses nouveaux décors qu’une habile rénovation lui a octroyé et retrouvait son petit-fils devenu grand jazzman se déplaçant dans toute la France.
Rendez-vous est pris pour d’autres souvenirs et d’autres anecdotes sur une vie riche d’évènements importants au sein d’un quotidien mêlant des journées souriantes à des moments plus graves.