Les anciennes blanchisseries du Marais de Lomme
19 septembre 2023Le secteur du Marais situé près de la Deûle, à la limite de Loos et de Lille, comptait de nombreuses et petites entreprises spécialisées dans le lavage, le blanchiment et le repassage du linge.
La présence de l’eau claire en abondance et la possibilité de canaliser naturellement les eaux usées ont contribué à l’implantation des « blanchisseries » à cet endroit.
La corporation « des blanchisseurs » est une des plus anciennes de Lomme, une rue du secteur porte encore ce nom au Marais et au bout de laquelle se trouve un totem qui retrace leur histoire.
C’est dans une de ces entreprises, qu’ont commencé à travailler ma mère et ma tante, en 1925 à l’âge de seize ans après avoir œuvré quatre ans dans les champs, comme bien des filles de leur âge à cette époque.
Ces demoiselles ont d’abord connu les machines à laver à cuve-tonneau en bois actionnées à l’énergie vapeur par roues et courroies (cheveux noués et foulard étaient de rigueur dans l’atelier pour éviter les accidents).
Quant au travail par lui-même, on introduisait d’abord l’eau chaude et le savon dans la cuve puis le linge pour l’opération du brassage/nettoyage. Le progrès a fait son œuvre et les cuves métalliques ont remplacé les cuves en bois quelques années plus tard, elles étaient actionnées par motorisation électrique et la cuve chauffait l’eau directement. Après lavage le linge était extrait et rincé à l’eau claire en ajoutant quelquefois une touche de « bleu » une poudre dont on se servait pour raviver la blancheur du linge.
Ensuite venait l’opération d’essorage, là aussi la machine a remplacé l’opération manuelle il fallait alors faire passer le linge entre deux gros cylindres de caoutchouc qui tournaient en sens inverse pour l’essorer (il ne fallait pas y laisser les mains…) Le séchage et blanchiment étaient bien souvent effectués à l’air libre, le linge parfois étendu à même le sol dans les prés avoisinants quand le temps le permettait.
Là également, l’évolution technique a fait naitre les séchoirs industriels qui généraient dans l’atelier une température difficilement supportable amplifiée par la chaleur des fers à repasser en fonte d’acier, de toutes tailles et formes, lesquels chauffaient en permanence sur les plaques d’un grand foyer.
La température adéquate était estimée « au jugé » par les repasseuses qui approchaient les fers de leurs joues pour l’apprécier. Cette opération du repassage était la plus délicate, notamment pour certaines pièces de linge comme les chemises (souvent à jabots) ou les pièces de lingerie féminine.
Repasseuse était un métier à part entière et il fallait faire ses preuves pour obtenir le titre. Il ne fallait pas flâner mais au contraire toujours se presser, dans cette atmosphère de chaleur et d’humidité pour assurer la restitution du linge du jour au lendemain et quelquefois dans la journée même, mais ceci toujours dans la bonne ambiance familiale qui régnait dans la plupart de ces petites entreprises du Marais.
Au début du XX° siècle, donner son linge à laver était plutôt réservé à la bourgeoisie ou tout au moins à une certaine catégorie sociale.
Les collectivités et les commerçants étaient également des clients importants.
On allait chercher le linge sale et on le rapportait lavé, séché et repassé d’abord en voitures à chevaux et par la suite en véhicules à moteurs.
Toute une époque….
De nos jours la vie a bien changé, chacun possédant en principe son lave-linge et bien souvent son sèche-linge, de grandes améliorations du confort personnel mais qui, en conséquence, ont conduit à la disparition de ces petites blanchisseries artisanales.
G.P