La Délivrance fait de la Résistance

4 septembre 2011 0 Par EDITEURS
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Le 15 octobre 1941, suite à l’exécution par les Allemands des 50 otages de Nantes et de Châteaubriant, le général de Gaulle déclare à la radio de Londres : « En fusillant nos martyrs, l’ennemi a cru qu’il allait faire peur à la France. La France va lui montrer qu’elle n’a pas peur de lui… J’invite tous les Français et toutes les Françaises à cesser toute activité et à demeurer immobiles… le vendredi 31 octobre, de 4 h à 4 h 5. »

école Curie

Il semble que cet appel ne soit pas resté sans écho puisque quelques jours plus tard le préfet du Nord reçoit une lettre qui dénonce « les manifestations organisées par certaines institutrices de l’école madame Curie à Lille Délivrance, le vendredi 31 octobre, d’observer le silence pendant quelques minutes selon les ordres de l’étranger ». Circonstance aggravante, « les instructions étaient inscrites sur le tableau » ! Ce dénonciateur, fervent adepte du maréchal Pétain, précise : « Les renseignements, je les tiens de mes enfants qui fréquentent la dite école en 2ème classe, et de mon enquête personnelle ».

Le 24 novembre 1941, le préfet du Nord – qui a répondu à l’auteur de cette lettre qu’il « ne saurait admettre des manifestations de la nature de celle que vous me signalez » – prescrit donc à l’inspecteur d’académie de Lille « de faire procéder à une enquête complète à ce sujet et de le tenir, le plus rapidement possible, au courant de ses résultats ».

Cette tâche délicate échoit à M. Dernaucourt, l’inspecteur primaire de la 2ème circonscription de l’arrondissement de Lille, basé à Armentières. Il se rend à l’école de filles Marie Curie, interroge de manière approfondie mademoiselle Ricoux, maîtresse de la deuxième classe, incriminée dans la lettre, ainsi que la directrice intérimaire.

Cet inspecteur primaire a-t-il réellement cherché à connaître la vérité ? L’a-t-il devinée et s’est-il contenté de ce qu’on lui a déclaré ? En tout cas, ce qui compte, c’est le récit qu’il en a fait à l’inspecteur d’académie et a évité aux maîtresses d’école des sanctions qui auraient pu aller jusqu’à la déportation en camp de concentration en Allemagne.

Dans son rapport, il fait l’éloge du professionnalisme de ces enseignantes qui « ont été, jusqu’à présent, attentives à suivre les directives qui leur étaient fournies ». Pour preuve, « l’effigie et les messages du maréchal Pétain sont affichés en bonne place dans les différentes classes ». Quant à la manifestation de silence, il en donne la raison suivante : « Il y a tous les jours, dans les écoles de Lomme, une distribution de soupe qui se fait, à l’école madame Curie, vers 4 heures. Lorsque les élèves sont trop bruyantes, pendant les distributions, la maîtresse impose quelques instants le silence pour rétablir le calme ». Et il conclut, de manière catégorique : « En tout cas, le fait, s’il a eu lieu, n’a aucun rapport avec une propagande qui aurait eu bien de la peine à atteindre les habitants de Lomme, privés de leur poste de radio ».

C’était en 1941. Il y a 70 ans. L’esprit de la Résistance animait déjà la Délivrance. L’équipe du Bavard profite de cet anniversaire pour saluer le choix courageux de M. Dernaucourt, visant à éviter les représailles ; l’acte héroïque de mademoiselle Ricoux, maîtresse de la deuxième classe de l’école de filles Marie Curie ; et vous aussi, chères amies lectrices, qui avez peut-être été les élèves de cette institutrice en cette année scolaire 1941-1942 et avez fait de la résistance sans le savoir !

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