Une ferme de l’autre côté de la raquette

Une ferme de l’autre côté de la raquette

11 mars 2010 0 Par EDITEURS
J’aime

Au sortir de la seconde guerre mondiale, le quartier du Marais vécut la reconstruction en hâte de maisons dites provisoires mais dans lesquelles les sinistrés de guerre ont néanmoins demeuré plus de trente ans…

Certains de ces « baraquements » dotés de spacieux jardins bordaient la ligne de chemin de fer de Lille-Délivrance. L’endroit était tout désigné pour les bâtir, le terrain existait, initialement constitué de pâturages attenants à une ferme qui avait probablement cédé une partie de ses biens pour la construction.

Cette ferme avait quand même gardé une superficie convenable pour exercer son activité essentiellement basée à l’époque sur l’élevage et la production laitière. Elle était simplement séparée des jardins de nos « baraquements » par des fils barbelés tendus à petite hauteur sur des poteaux en béton.

Dès notre jeune âge, et pratiquement chaque jour, nous allions, envoyés par nos parents le soir après l’école, chercher le lait à la ferme dans des bidons que la fermière prenait bien soin de fermer pour éviter les catastrophes en cours de route On nous donnait généralement la monnaie juste que nous mettions précieusement dans nos poches de tablier.

Plus tard, adolescents, nous étions alors sollicités par les fermiers pour les aider aux travaux des champs à l’occasion des pointes saisonnières comme la récolte des pommes de terre ou le ramassage de la paille de blé après la moisson et nous étions fiers de pouvoir ramener à la maison ce peu d’argent reçu à raison de 10 centimes d’époque au sac de pommes de terre récolté (50 kgs).

Le travail consistait à suivre une machine tirée par un cheval. Cet engin appelé soleil fouillait les buttes de terre d’un mouvement circulaire en éjectant les pommes de terre à côté du sillon. Il nous fallait les ramasser et les mettre dans de grands paniers d’osier pour les transférer ensuite dans des sacs de jute.

Les années passant, le matériel fut plus perfectionné et notre travail consistait alors à surveiller le passage des pommes de terre sur une machine accouplée à un tracteur pour extraire les cailloux et tasser les mottes de terre au travers d’un tamis. Indispensable de mettre des gants mais malgré tout, en fin de journée, nous avions les mains toutes boursouflées.

Le ramassage de la paille consistait à réceptionner et à installer sur un chariot à ridelles les bottes de paille que les ouvriers de ferme nous lançaient à la fourche à deux dents de chaque coté du chariot. C’était une vraie partie de plaisir, plus le tas de bottes montait, plus c’était amusant de prendre de la hauteur et le summum était atteint quand le chariot était plein : nous étions juchés tout en haut accrochés aux cordes de maintien du chargement, et nous rentrions à la ferme cahin-caha, ballottés par les ornières des sentiers.

Notre plaisir disparut avec l’apparition des machines automatiques qui ramassaient, conditionnaient la paille en ballots cerclés. Ces équipements coûtaient chers et rares étaient les fermiers qui pouvaient se les payer, de même qu’en production laitière, ils devaient se doter de matériel de conditionnement et de conservation.

Ces conditions entraînèrent malheureusement la disparition de notre ferme et nos maisons provisoires furent également détruites quelque temps après.

Le quartier avait bien changé…

Vues : 3