Quand la Délivrance se donne en spectacle à elle-même

8 décembre 2010 0 Par EDITEURS
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La nuit tombait doucement, l’air était calme et tiède, sûrement comme dans les années 20, au temps de la splendeur de la toute jeune cité jardin des cheminots, ou comme dans les années 60, en un temps où, après que la société française eut pansé les plaies de la guerre, elle s’épanouissait dans les Trente Glorieuses.

Hommes, femmes et enfants convergeaient vers la salle de réunion qui brillait de tous ses feux. Françoise, dame de Beaulieu, était là pour nous accueillir et nous guider vers la salle de spectacle qui était presque complètement remplie vers 20 heures 30.

Aujourd’hui, les héros ne sont pas sur scène. Ils sont dans les gradins. Héros d’hier, héros d’aujourd’hui et surtout jeunes héros de demain. Le réalisateur Guy Alloucherie, qui les a côtoyés pendant de longues semaines, les a trouvés chaleureux et merveilleux. Et pendant une heure trente, sur deux écrans en fond de scène, il leur a tendu un miroir dans lequel ils se sont exprimés et ont parlé de leur vie, de leur cité, n’évitant pas les sujets qui fâchent : l’insécurité, ou plutôt le sentiment d’insécurité, l’avenir du dispensaire place Dompsin.

Des artistes évoluant sur un fil (structure horizontale) et sur un poteau (structure verticale) agrandissent encore l’écran double qui parfois raconte une double vie. Le film démarre sur un bruit de fond ferroviaire, qu’on ne remarque plus guère de nos jours. Les voisins du Marais étant également concernés ont été conviés aussi à s’exprimer.

Le film explore par ses procédés de mise en scène les dimensions de l’existence, la lutte immémoriale entre l’inertie et le mouvement ; de longs plans statiques agrémentés d’une musique dynamique suggèrent à tout instant que quelque chose va démarrer ou partir. Ces travailleurs qui se racontent ont pratiqué un métier difficile, connu une vie hantée par l’instabilité en fin de carrière, une instabilité à laquelle se préparent également les plus jeunes. Les textes lus par les comédiens se transforment parfois en violentes charges contre l’inhumanité du capitalisme financier.

Les 35 heures, ce n’est pas pour Guy Alloucherie. Il avait plus de 40 heures de film en stock lorsqu’a commencé le montage. Il n’en a gardé qu’une heure trente. Dans ces vies ouvrières, la RTT (Raconter le Train et le Textile) n’était pas de tout repos. Mais le message est passé, le spectacle a plu, l’émotion est palpable à la sortie du public, ravi d’avoir été à la fois spectateur et acteur de la soirée, comblé aussi d’avoir vécu un moment exceptionnel en découvrant la richesse de son territoire.

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